Lettre d Artistide Maillol à la Municipalité de Banyuls sur Mer

Toute ma vie d’artiste je n’ai cherché qu’une chose. Elle se résume en un seul mot,

comme le titre de ma dernière œuvre : Harmonie. Alors quand je vois depuis là-haut

le résultat de votre inculture, des larmes remplissent mes yeux. La négation de ce

qui réunit tous les gens du village, c'est-à-dire le paysage, la géographie, l’histoire,

le travail de multiples générations qui ont sculptées la montagne, les matériaux

 naturels du schiste aux galets, du chêne aux pins parasols, oui cette négation arrache

mon cœur. Je n’ai jamais été passéiste, ni dans mes dessins ni dans mes sculptures

ni dans mes propos, car j’ai toujours pensé et agi à la recherche du beau, car

voyez-vous la beauté est intemporelle, elle se conjugue aussi bien au passé qu’au

présent qu’au futur. Alors quand je vois vos casemates construites en bord de quai,

souvenirs douloureux d’une période honnie, je suis révolté et indigné de voir que,

déshonneur suprême, vous vous réjouissez de vos forfaits. Si j’en avais le pouvoir,

je supprimerai aussitôt mes œuvres exposées dans les espaces publics du village.

Vous vous servez d’elles comme caution d’un verni culturel sans avoir rien compris

de ma recherche exclusive : l’harmonie. Vous n’êtes bons qu’à construire des

casemates en béton là où même les Allemands n’avaient pas osé le faire !

Aristide Maillol 1861-1944 (Lettre fictive)