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    BRISER LE SILENCE POUR ELLES, C'EST UNE AFFAIRE DE GARS.

    Je l'ai vu. Son oeil au beurre-noir. Je l'ai vu. Son bleu sur son bras. Et je l'ai vu. Sa cicatrice au poignet. J'ai vu sa larme coulée sur sa joue. Sa façon de le défendre. Sa façon de le garder sous protection. Mais surtout sa façon de passer inaperçue.

    Je l'ai vu la regarder avec la haine dans ses yeux, et je n'ai rien fait. Je l'ai vu la prendre par le bras, et je me suis éloigné. Je l'ai vu séduire une autre femme devant elle, et j'ai hésité. Je l'ai vu l'ignorer comme si elle n'était qu'un bibelot, et j'ai poursuivi la discussion. Je l'ai vu insister pour avoir de l'argent, et j'ai été surpris. Je l'ai vu lui faire une mauvaise blague, et j'ai ris. Je ne comprenais pas ce qu'était la violence conjugale.

    Du haut de ma jeunesse, j'ai compris.

    J'ai compris que la violence conjugale se présente sous plusieurs formes. Physique, la plus connue. Psychologique la plus pernicieuse. Financière, la plus méconnue. Verbale, la plus floue. Sexuelle, la plus incomprise. De la violence dans un continuum quotidien qui percute l'estime personnel jusqu'à transformer les perceptions du bien et du mal. De ce qu'on a le droit ou pas. De dire "oui" parce qu'il le faut et dire "non" tout bas. De croire profondément qu'on mérite ce que l'on vit. La percussion de l'estime de soi inexistant en stéréo. Côté droit, j'ai tort. Côté gauche, j'ai tort. Pourtant, les oreilles fines entendent le bruit qui s'écroulent autour d'une relation malsaine ponctuée de manipulation, de contrôle, d'attaques, de dénigrement, d'acting out.

    C'est comme quand on entend une toune qui raisonne au centre d'achat et qu'on n'arrive pas à l'identifier. Ça devient un son. Une ambiance. On sait que ça joue mais on ne sait pas c'est quoi. On fini par ne plus l'entendre et on entre dans un confort inconfortable. On se conforte en se disant que cette fois-ci sera la bonne, il sera fier de moi. On est inconfortable en se disant qu'encore une fois, je n'ai pas été à la hauteur. On veut lui plaire, lui montrer qu'aucune hauteur n'est trop haute. En réalité, on a un vertige perpétuel qui sommeil dans le creux de la gorge. On veut connaitre la toune d'ambiance, mais on fini par s'en inventer une.

    On le défend, on l'excuse, on s'efface. Comme si on était une partie de lui. On passe inaperçue. On nous voit mais pas trop. On voit des choses mais juste assez pour ne pas dire trop. On se sent de trop. On est de trop.

    Les fines oreilles finissent par s'embrouiller et l'ambiance revient. Les fines oreilles reculent et laisse place au malaise. Ce malaise, cette peur, qui ternissent la voix forte que nous étions en laissant place au vertige. Une paralysie glaciale qui maintient l'isolement émotionnel. Les fines oreilles finissent par s'éteindrent. Le réseau disparait. La toune aussi.

    Le silence prend toute la place. La place qu'on voudrait prendre mais qu'on ne peut placer. Placer les mots qu'on place quelque part dans nos corps. Nos corps car ils sont dissociés. Chaque fois qu'on pleure, un corps s'ajoute à la liste de ces corps malades. Car on veut se placer ailleurs. Car on veut quitter cet ambiance. Ce vertige.

    Moi, je n'avais pas vu le soleil qui brûlait en elle. J'étais aveuglé par la nuit dans ses yeux. Je n'avais pas vu la liberté qui sommeillait en elle. J'étais pris dans sa façon de le garder sous protection. Je n'avais pas vu qu'elle criait. J'écoutais la toune d'ambiance.

    Pourtant, je savais mais je ne voulais pas m'interposer. Je savais mais je ne voulais pas me tromper. Je savais mais je ne voulais pas entendre. Je doutais.

    Aujourd'hui, je fais le choix de voir. Mes fines oreilles vont entendrent. Ouvrir mes sens en stéréo. Côté droit, je vois. Côté gauche, j'entends. Et plus jamais elle va passer inaperçue.

    Je suis un homme. Un de ceux qui respecte sa femme. Un de la majorité. Je suis un homme. Un de la minorité qui a décidé d’en parler pour elles. Je suis un homme. Un de la minorité qui comprends que la façon la plus efficace de prévenir est masculine. Je suis un homme.

    Pierre Ouellet

     

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  • Commentaires

    1
    Jeudi 22 Août 2019 à 07:53

    Je ne me suis jamais tu dans pareille circonstances et je ne me tairai jamais, devant 20 personnes qui courbaient l'échine je n'ai pas hésité à braver ce sauvage qui faisait le double de ma taille, lui armé d'un bâton et moi à mains nues, jamais je n'ai laissé une femme se faire maltraiter en ma présence. Si chacun agissait ainsi il y aurait moins de féminicide

    Amicalement

    Claude

    2
    Zoe
    Jeudi 22 Août 2019 à 10:32
    La solidarite,feminine ou non,est le contraire de la lachete-et un coup de fil aux services sociaux est un geste de base.
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